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Le Prix des Minéraux : Pourquoi si élevé ?
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© Texte et Photos : MJX, sauf indication contraire.

Article de John Betts http://www.johnbetts-fineminerals.com
traduction libre de Marc JAUNIAUX
L'article original se trouve à l'adresse : http://www.johnbetts-fineminerals.com/jhbnyc/articles/prices.htm

Je suis à mes moments perdus collectionneur de minéraux, depuis 1963.
On me questionne souvent au sujet du prix demandé pour des spécimens minéralogiques.
Les collectionneurs débutants sont les plus désarçonnés parce qu'ils observent des prix très variables et doivent encore comprendre quels sont les facteurs qui affectent la valeur des minéraux.

Tout récemment, deux amateurs me demandaient comment il se faisait que je vendais (donnais) des opales du Mexique à 1€ alors que plus loin, ils en avaient vu à 100€...Les raisons étaient simples : je ne suis pas revendeur, je suis allé les chercher moi-même ; elles sont du Mexique et pas d'un endroit connu comme l'Australie ; et finalement ce sont des "doubles" dont je veux me débarasser....Et bien j'ai toujours ces opales...Ils ne m'ont pas cru !!!

Voici l’évolution chronologique du prix d'un échantillon minéralogique typique en fonction de divers événements.

Le Commencement.

Tous les minéraux sont à l'origine dans le sol. Un minéral n'est pas sans valeur (parce que, par exemple, les collectionneurs ont toujours l'espoir de trouver le minéral rarissime, non encore décrit) mais il n'a pas encore d'étiquette. Il restera enfoui au calme, pendant des millions d'années, avant qu'un des deux événements suivants n'arrive :

- Ou bien il s'érodera, se dissoudra dans un dépôt sédimentaire quelconque et recommencera un autre cycle de formation de roche;
- Ou bien l'homme interviendra et en fera quelque chose :

Il ira alors se faire concasser dans une usine de traitement industriel comme un vulgaire minerai.
Ou il deviendra un spécimen minéralogique, un objet de collection.

Je me concentrerai uniquement sur cette dernière possibilité.

Evolution des prix.

Au cours d’une sortie organisée par le CMPB, un collectionneur le déterre, l'enveloppe dans un bout de papier journal et le range dans sa cave. Il restera typiquement dans cet état-là pendant deux ou trois ans, avant que l’épouse dudit collectionneur ne menace de jeter à la poubelle toutes les cochonneries qui encombrent le sous-sol. Prix = 0 EUR (remarque : 1 EUR = 40.3399 BEF ).

Le collectionneur le brosse et le nettoie pour la première fois et décide que cela vaut la peine de le garder malgré le fait qu'il manque de place et que sa femme lui précise qu'il aurait mieux fait de laisser les cailloux là où ils étaient et de collectionner des timbres, ce qui est beaucoup moins encombrant et sale.

Au cours d'une réunion du club de l'ESCARGOTITE, Il fait un échange avec un autre collectionneur qui compte enlever les traces d'oxyde de fer et d'argile dudit spécimen. Il obtient en échange une améthyste du Brésil. Valeur estimée de l'échange = 0,50 EUR.

Le nouveau propriétaire, plus expérimenté, dissout l'argile et la rouille dans l'acide et peut maintenant admirer la beauté réelle des cristaux de l’échantillon. Le spécimen est maintenant parfaitement propre et brillant. Prix estimé = 5.00 EUR.

Il en fait don au club de l'ESCARGOTITE pour l'organisation d'une vente aux enchères annuelle. Le spécimen atteint le prix de 12 EUR. Il est vrai que les réunions du club de l'ESCARGOTITE sont toujours bien arrosées et qu’on perd parfois l’esprit.

Le nouveau propriétaire l'emporte et finit par le vendre à un collectionneur averti qui a appris que la carrière où il a été trouvé est maintenant sous eau et que plus aucun échantillon ne pourra plus être ramassé. Le nouveau propriétaire l'estime à 25 EUR.

Des années plus tard, la revue "le règne minéral" publie un article à propos du site où a été découvert le spécimen. L'auteur de l'article décrit une forme cristallographique maclée rare, et considère même que le site de la découverte est unique. Le propriétaire double le prix à 50 EUR.

Le propriétaire meurt, laissant la plupart des pièces de sa collection sans références ni étiquettes. Ses héritiers n'ont aucune idée de ce qu'il faut faire avec la collection. Un revendeur local de minéraux contacte la veuve et offre 1800 EUR pour toute la collection minéralogique du défunt, qui se retourne dans sa tombe. Le prix payé par échantillon est approximativement de 0,50 EUR.

Maintenant l’échantillon, non étiqueté, est mal identifié par le collectionneur qui essaie de le vendre à 50 EUR comme un minéral classique, de provenance "classique".

Le spécimen ne se vend pas pendant deux ans. Le revendeur estime que la vente de minéraux ne rapporte plus grand-chose et décide de vendre plutôt des bijoux. Il élimine son fond de commerce en vendant les minéraux à 20 % du prix étiqueté. La valeur du spécimen tombe à 10 EUR.

Le nouveau propriétaire de l’échantillon est bien mieux informé et reconnaît sa véritable origine. Il fait des recherches sur l'emplacement et affiche une photocopie de l'article paru dans "le règne minéral" pour attirer les clients de la bourse NAMINERAL de l'Esacargotite à Namur. Le prix affiché est de 100 EUR.

Un riche amateur de 35 ans, qui vient de commencer une collection de minéraux, achète le spécimen pour 90 EUR. Il est heureux. Il a obtenu un rabais de 10 % !

Pendant ce temps, il y a tellement de demande pour des minéraux en provenance du vieil emplacement que les prix montent. La Société "Soeni et Cie" décide d’acheter la carrière et de relancer son exploitation. On retrouve le gisement et on extrait à nouveau de beaux spécimens qui se vendent maintenant, grâce à un marketing insensé, à des prix astronomiques.

Après deux ans le marché est saturé. (Après tout, combien de personnes dans le monde sont-elles capables de dépenser 10000 EUR pour un spécimen ? Peut-être quelques musées et quelques richissimes collectionneurs ? )

La Société "Soeni et Cie" n'abandonne pourtant pas la vente des minéraux trouvés dans la carrière. Mais les prix baissent de 10 % . Les minéraux du site deviennent aussi courant que les améthystes du Brésil. En attendant notre spécimen est vendu à un nouveau propriétaire à 150 EUR.

Ce dernier montre le spécimen à un collectionneur expérimenté qui possède un microscope. Ce dernier découvre des inclusions rares de zinekenium ( 157ème élément du tableau de Mendeléïev). Il écrit un article qui est accepté et fait une communication de 15 minutes au Symposium International de Minéralogie. On offre le spécimen à la vente pour 500 EUR.

Il est immédiatement acheté par un collectionneur qui s'est spécialisé dans les minéraux du site en question. Le spécimen occupe maintenant une place de choix dans sa collection privée. L'article est publié dans le Journal International de Minéralogie. On offre au collectionneur jusqu'à 1000 EUR pour le spécimen. Il refuse.

Au fur et à mesure que le propriétaire vieillit, la valeur du minéral croît, du moins dans son esprit. Mais comme il sait aussi qu'il ne peut pas l'emporter dans la tombe, il l'offre à un musée local pour 5000 EUR. Le conservateur du musée a un budget d'acquisition annuel limité à 1000 EUR et espère qu'un généreux donateur achète le spécimen pour le musée.

En attendant le propriétaire meurt. Les héritiers ne sachant que faire de la collection et voulant occuper rapidement sa maison font appel à un entrepreneur pour réaménager les lieux. Tout est jeté dans une benne à ordures et finit dans un dépotoir. Le spécimen minéralogique se retrouve enfoui et recommence un nouveau cycle de dissolution et de recristallisation.

Alors, quelle est vraiment la valeur d'un échantillon minéralogique ?

Cette petite histoire amusante montre que le prix d'un échantillon minéralogique, comme de tout objet de collection, est déterminé en fonction de l'esthétique, de la rareté, de l'origine, mais aussi en fonction du marché (de l'offre et de la demande - mais ce cas-ci, il s'agit d'un oligopole avec peu de vendeurs et peu d'acheteurs) ainsi que des études, publications plus ou moins scientifiques et de la publicité faites à son sujet. Comme dans l'art, la valeur augmente avec la connaissance et la rareté de l'objet. Il n'y a aucune valeur absolue. En conséquence, il n'y a aucune règle simple et rapide pour fixer les prix.

S'il n'y avait pas d'aléas ou d'avatars au cours de l'existence d'un minéral, la théorie du plus fou prévaudrait. Chaque propriétaire fou ayant acheté un minéral le vendrait à un plus fou qui le payerait plus cher. Et ce serait l'escalade perpétuelle des prix. En tant que revendeur, tout ce qui importe c'est de trouver un collectionneur plus fou, capable de payer plus cher ce qui a été acheté moins cher. Et il existe ! C'est peut-être vous....C'est fou ! Non ?


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